Prime de partage de la valeur : la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) s'attaque aux modulations conduisant à des écarts disproportionnés
Le montant de la prime de partage de la valeur (PPV) peut être modulé selon certains critères, si cela est prévu par l’accord ou la décision qui la met en place. Dans une mise à jour du Bulletin officiel de la sécurité sociale du 21 décembre 2022, la DSS apporte plusieurs clarifications.
Au détour d’un exemple, elle refuse d’exonérer les PPV modulées à l’ancienneté lorsque la modulation conduit à des « écarts disproportionnés ».
Rappel sur la modulation de la PPV
Le montant de la prime de partage de la valeur (PPV) est en principe le même pour tous les salariés qui y ont droit.
Toutefois, il est possible de prévoir dans l’accord ou la décision unilatérale qui met en place la prime que son montant est modulé, en fonction de tout ou partie d’une série de critères limitativement énumérés :
-rémunération ;
-niveau de classification ;
-ancienneté dans l’entreprise ;
-durée de présence effective pendant l’année écoulée ;
-durée de travail prévue au contrat en cas de temps partiel.
La modulation peut être établie sur la base d’un seul critère ou d’une combinaison de tout ou partie des critères autorisés.
À noter : rappelons que l’on parle ici de critère de modulation permettant de faire varier le montant de la prime, et pas de critères d’attribution. Tous les salariés éligibles doivent bénéficier d’une prime, sauf à prévoir dans l’accord ou la décision unilatérale qui met en place la PPV d’en réserver le versement aux salariés dont la rémunération est inférieure à un certain plafond.
Période d’appréciation des critères de modulation
Les précisions de l’instruction BOSS initiale du 10 octobre
Dans l’instruction questions/réponses diffusé le 10 octobre 2022 sur le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS), la Direction de la sécurité sociale a apporté une série de précisions sur la modulation.
Parmi celles-ci, il était indiqué que ces critères s’appréciaient sur les 12 mois précédant le versement de la prime.
Les interrogations
À cet égard, nous avions pointé que l’appréciation sur les 12 mois précédant le versement de la prime paraissait difficilement applicable pour le critère d’ancienneté, pour lequel la lettre de la loi semble faire référence à l’ancienneté globale dans l’entreprise (ce qui avait d’ailleurs été confirmé à la rédaction).
Plus généralement, la loi ne faisant référence à l’année écoulée (période de 12 mois) que pour le critère de durée de présence, on peut s’interroger sur l’utilisation de cette période de référence pour les autres critères.
Pour le BOSS, seuls trois critères s’apprécient sur les 12 mois précédant le versement de la PPV
Consciente des difficultés posées par la rédaction initiale du BOSS, la Direction de la sécurité sociale a révisé la rédaction de la Q/R 3.3 pour la mise à jour du 21 décembre 2022.
Le BOSS indique cette fois que, pour l’administration, seuls trois critères s’apprécient sur les 12 mois glissants précédant le versement de la prime :
-la rémunération ;
-la durée de présence effective ;
-la durée de travail prévue au contrat.
En revanche, les critères du niveau de classification et de l’ancienneté sont appréciés au moment du versement de la prime.
Précision sur le critère de modulation de la durée de présence
Pour le critère de la durée de présence, la nouvelle version du BOSS indique que celle-ci est appréciée :
-en fonction de la présence effective du salarié dans l’entreprise ;
– « ou » dans les mêmes conditions que celles prévues dans le cadre de la réduction générale des cotisations patronales pour le calcul du paramètre SMIC, en retenant les mêmes règles de prise en compte des absences.
Initialement, le BOSS n’évoquait que la 2e hypothèse, à savoir une présence du salarié appréciée dans les conditions prévues pour la réduction générale de cotisations patronales pour le paramètre SMIC.
À noter : pour mémoire, la loi du 16 août prévoit que les congés mentionnés « au chapitre V du titre II du livre II de la première partie du code du travail » sont assimilés à une durée de présence. En pratique, cela vise les congés de maternité, de paternité et d’adoption, le congé parental d’éducation et le congé de présence parentale, comme le souligne le BOSS, mais aussi, à notre sens et même si l’instruction n’en fait pas état, les jours de congé pour enfant malade et les salariés bénéficiant de dons de jours de repos au titre d’un enfant décédé ou gravement malade.
Modulation à l’ancienneté : le BOSS entend limiter les écarts disproportionnés
Le contexte
Sur le critère de l’ancienneté, la loi est peu loquace. Elle ne contient aucune précision particulière, autre que le fait qu’elle s’apprécie dans l’entreprise (donc depuis la date d’entrée).
En particulier, elle ne fixe aucune limite à l’amplitude de la modulation, ni à ses modalités.
Dans ce contexte, des employeurs sont tentés de prévoir des modulations assez fortes, pour limiter le montant de la PPV versées aux salariés ayant une faible ancienneté à défaut de pouvoir les en priver (un critère de modulation sert à faire varier le montant de la prime, mais n’en est pas une condition d’attribution).
À noter : certains, en entreprise, ont notamment en tête la condition d’ancienneté d’au plus 6 mois qui peut être prévue en matière d’intéressement. Cependant, ce rapprochement n’a juridiquement pas lieu d’être : on rappellera qu’il n’est en effet pas possible de réserver la PPV aux salariés ayant une ancienneté minimale, même si l’ancienneté peut constituer un critère de modulation.
Le BOSS « sanctionne » les modulations à l’ancienneté conduisant à des écarts disproportionnés
Au détour d’un exemple, la DSS semble poser une exigence de modulation « raisonnée », sans néanmoins en énoncer le principe dans le corps même de ses développements.
Pour ce faire, le BOSS prend l’exemple (extrême) d’une PPV d’un montant de 2 500 €, dont le montant est modulé notamment en fonction de l’ancienneté des salariés dans l’entreprise :
-les salariés ayant au moins 10 ans d’ancienneté perçoivent une prime de 2 500 € ;
-les salariés avec moins de 10 ans d’ancienneté ont une prime de 50 €.
Selon le BOSS, les modalités de modulation en fonction de l’ancienneté des salariés dans l’entreprise fixées par l’accord conduisent « à des écarts de montant de prime disproportionnés » avant combinaison avec d’autres critères modulation comme le critère de présence. L’administration indique que ces primes ne sont pas exonérées, « l’intention du législateur n’étant pas respectée ».
Que retenir de la précision du BOSS sur la modulation disproportionnée à l’ancienneté ?
Via cet exemple, le BOSS indique en quelque sorte aux employeurs qu’ils doivent faire un usage raisonné de la modulation à l’ancienneté, sous peine de voir l’exonération de la PPV remise en cause. Et en tous les cas de ne pas en faire, via une utilisation vue comme abusive, un quasi-critère d’attribution,
Néanmoins, on pourra faire ici deux remarques.
D’une part, la loi ne contient aucune restriction quant aux modalités et à l’amplitude des modulations qui peuvent être prévues sur la base des critères autorisés. À cet égard, on peut noter ici que le BOSS s’appuie ici sur « l’intention du législateur », faute de pouvoir renvoyer à une règle expresse.
D’autre part, si on comprend qu’il puisse y avoir comme souvent la limite de l’abus, reste à voir où se situe la frontière pour l’administration (et donc le risque pour l’employeur).
Car l’exemple du BOSS est extrême et les situations pratiques peuvent être beaucoup plus nuancées.
Quid, par exemple, d’une grille de modulation à l’ancienneté suffisamment « étagée » en fonction de plusieurs tranches d’ancienneté conduisant à de faibles montants pour les salariés ayant l’ancienneté la plus faible ? Serait-elle valable ?
D’aucuns pourraient en effet considérer qu’une modulation par paliers serait plus acceptable (voir en encadré le nouvel exemple du BOSS pour le critère de la durée de présence). Mais le BOSS ne nous le dit pas pour l’instant, se contentant de fixer la ligne rouge des « écarts disproportionnés » (2 500 € de PPV contre 50 € dans l’exemple, sans marches intermédiaires).
En tout état de cause, l’administration montre ici qu’elle entend éviter les usages détournés de ce critère de modulation, conduisant à un « écart disproportionné » ayant de facto pour effet de quasiment exclure une partie des salariés éligibles à la prime.
Par ailleurs, même si cette notion d’écart de montant de prime disproportionné n’est évoquée qu’au détour d’un exemple sur le critère de l’ancienneté, on ne voit pas pourquoi cette logique ne vaudrait pas pour les autres critères de modulation autorisés. Qui sait… de nouvelles précisions seront peut-être apportées dans de prochaines mises à jour.
Précisions sur les groupements d’employeurs
Indépendamment des questions de modulation, le BOSS précise que pour les salariés des groupements employeurs mis à disposition d’entreprises utilisatrices, la prime de partage de la valeur est versée selon les mêmes modalités spécifiques que pour les salariés des entreprises de travail temporaire (ETT).
Ces salariés peuvent donc bénéficier le cas échéant de plusieurs PPV, du chef des entreprises utilisatrices auprès desquelles ils sont mis à disposition et du groupement d’employeurs si celui-ci l’a mise en place pour ces propres salariés.
Le renvoi aux modalités prévues pour les ETT implique que c’est donc le groupement d’employeurs qui versera les primes aux intéressés, à charge pour les entreprises utilisatrices de l’en informer selon les modalités prévues pour les intérimaires.
N’hésitez pas à vous rapprocher de votre interlocuteur habituel pour faire le point et vous faire accompagner !